Presque à son insu, Marrakech est un de ces lieux où le néolibéralisme s'enchante de son efficacité : un souk des possibles, cette disposition à offrir de manière socialement ouverte l'illusion de trouver ici les conditions d'un recommencement. Marrakech a déjà mille ans lorsque le corps expéditionnaire français y débarque en 1912. Délaissée par le commerce transsaharien, abandonnée des bourgeoisies commerçantes et du pouvoir, elle semble figée dans sa monumentalité. Sur ce qu'ils pensent être une terre sans maître, les militaires français projettent leur désir utopique de jouir à la fois de la grandeur du passé et d'un hédonisme esthétisé d'exotisme. Ils trouvent auprès des touristes et " villégiateurs " européens des alliés complaisants. Avec un palace, un casino et un terrain de golf, la Marrakech coloniale est inventée. Cent ans après, on y compte près de soixante-dix hôtels de luxe et trois cents de moindre qualité, deux mille chambres d'hôtes en médina, une douzaine de terrains de golf et un festival du cinéma...