Jeudi 23 Janvier 2025

Posted By: Gabriel Feret In: Journal d'un libraire On: jeudi, janvier 23, 2025 Hit: 11
XH est venu récupérer son fourgon hier. Il en a profité pour emporter quelques caisses de livres puisqu’il éprouve des difficultés à trouver des fournisseurs. Sur un malentendu, je lui ai suggéré de choisir les livres qu’il préférait, mais en partant, il m’a avoué qu’emporter quelques caisses sans trier lui serait allé très bien. En soirée, j’ai emballé mes colis, saisi un lot de livres en stock jusque tard, débarrassé mon bureau de livres qui traînaient, avec le rêve, jamais réalisé depuis presque huit ans que j’habite cette maison, de le voir rangé. Je me dis depuis toujours, comme un voeu pieux, que je me mettrai alors à écrire, c’est-à-dire à chercher ma langue cachée et éclaircir le mystère de mes 17 ans, comme le répète P. Bergounioux. Mais peut-être, finalement, en ce qui me concerne, cet âge ne prendrait sens pour moi que des l’oubli. 
Je me réveille assez tôt, au regard de l’heure à laquelle que je me suis endormi. Puis je me rendors jusqu’à 9H30. L’impression redoutable de la triste vie me saisit, comme souvent au réveil, mais je sais aussi que cette impression, paradoxalement, annonce des heures plus optimistes. XL et VLB m’appellent. Nous attendons les catalogues du salon de C qui devraient être livrés chez moi. Ils n’arriveront pourtant pas à destination aujourd’hui. Je travaille en attendant un appel de KB, comme je ne peux m’y rendre, en raison de la panne de mon véhicule. J’ai certainement plus de facilité à me livrer par téléphone, par écrit. Mais que serait mon existence sans les visages ? Les paroles que leurs lèvres prononcent ? Quant à la caresse de la peau, il y a bien longtemps que je l’ai refoulée. Seule M me donne la chaleur d’un corps, quand elle est blottie contre moi la nuit. Une petite bouillotte, dirait J. 
Je pars à pied au relais colis et à la poste. J’ai déjà rempli mes tâches de le journée, je pourrai ainsi rattraper un peu de retard, ou ranger mon bureau. Devant la poste, je monte dans la camionnette de P, que je parviens finalement à démarrer. Nous convenons qu’il viendra la chercher la semaine prochaine. J’avais escompté sur le redoux pour réussir à la rapporter devant la maison. Une dame, aussi, choisit quelques livres dans l’armoire, placée devant la maison. J’engage la conversation. Elle m’assure qu’elle lit beaucoup, partout, dès qu’elle en a l’occasion. Elle emporte une petite pile. Je pars en promenade avec M, qui tient manifestement à pousser un peu plus loin, puisqu’il fait meilleur, que les rayons du soleil réchauffent un peu. On croirait à une journée de fin d’hiver. Je vois la première cigogne de la saison survoler la tour qui jouxte les allées des remparts. D’autres font claquer leurs becs. Au retour, je reçois un long appel d’ADC, qui vit un divorce difficile. Il me cite Spinoza, m’explique qu’il cherche des voies spirituelles à cette épreuve. Nous conversons amicalement. Je m’assoupis quelques minutes, puis, après un dîner léger, retourne à ma saisie. Il semble que je prolonge le moment où je rangerai intégralement le bureau. M respire, soupire, roulée en boule sur son vieil oreiller, à mes pieds. 
Je ne pensais pas ce constat possible, mais, si je ne porte pas d’affection particulière ou une forme d’indifférence, une distance suffisante à ma compagnie, j’apprécie désormais ma vie.