Je suis rentré hier soir du salon de N, l’un des plus importants de la rentrée en France et lors duquel P organise un petit salon de bouquinistes sous l’ancienne porte de la ville. Nous vivons toujours un moment amical et festif, et même, une alchimie particulière se produit avec le vin, l’humour et les discussions. Jeudi soir, je ne partais pourtant pas très enthousiaste, et jusqu’à samedi après-midi, malgré la sortie au bar avec P le jeudi soir, l’autre au restaurant vietnamien le vendredi, le chiffre et l’ambiance m’apparaissaient grises comme le ciel. Mais voilà, en quelques minutes, le vent froid a cessé de s’engouffrer d’un bout à l’autre de la porte, de bonnes ventes sont tombées. M. D, le libraire de la grande rue a fait son apparition. Nous lui avons offert un verre. RN, comme l’an passé, n’a pas pu s’empêcher de le blaguer. P riait à gorge déployée. Puis j’ai reçu un message d’elle m’annonçant sa visite le lendemain. La soirée s’est poursuivie entre P et moi, à prendre un verre en terrasse, avant de rejoindre M chez elle. J’ai mal dormi cette nuit-là, réveillé à 3h du matin sans pouvoir me rendormir - l’excès de vin et de café, peut-être, ou la perspective de la revoir. La journée a bien commencé, avec la vente des deux premiers tomes du dictionnaire de Physique de Paulian, 1761, aux armes. Je me suis ensuite absenté pour déjeuner avec elle et la retrouvais, ravissante, dissimulant avec charme ses angoisses. Elle venait de suivre un entretien d’Abdellah Taïa et devait enchaîner avec une conférence sur Anna Freud. L’ange est passé. Je ne pensais pas la revoir cette fois, raison pour laquelle j’arrivais ici le coeur gros. Chaque fois, quand elle apparaît, il se fend autant que le rêve s’enchante. Je ne sais pas m’arrêter de l’aimer. Elle passerait encore me donner un sourire avant de partir. Je ne sais pas quand que je la reverrai, peut-être dans plusieurs mois. Quelques minutes plus tard, nous nous sommes mis au remballage. Le chiffre ne s’est finalement avéré pas si mauvais. J’ai même pu acheter à MK dix exemplaires de Patrick Modiano, tous avec envois de l’auteur. Malgré la fatigue, j’ai passé le col dès le soir, retrouvé une maison plutôt froide pour la saison. Je repensais à quelques discussions, celles avec D, assumant pleinement l’appartenance à la secte des admirateurs du journal de Pierre Bergounioux, à JP, l’agent de sécurité, complètement soul le samedi soir et nous livrant ses souvenirs militaires, au Liban, en Côte d’Ivoire, au Tchad, où son supérieur sauta sur une mine, dont il reçut des éclats. Je repensais à P aussi, comme il m’avait étreint avant de partir, observant que je paraissais sombre ce jour, après l’avoir revue, alors qu’il me semblait avoir glaner un peu de goût à la vie pour au moins quelques semaines.