J’ai le bonheur de me réveiller avec M que J m’a laissé hier pour trois jours, alors que ce n’était pas prévu. J’ai aussi un message venu de l’autre côté des montagnes, que je n’attendais pas, ce qui atténue la déception de ne pas l’avoir vue durant le week-end. Elle préférait rester seule. Son arrêt de travail se finira d’ici quelques jours. Il semble que l’épuisement professionnel, depuis le mois d’août, n’ait pas trouvé de guérison. Je crains que la reprise ne soit brutale et difficile, mais elle fait preuve d’un grand courage à retourner dans son service, au risque alors de passer à demi-traitement. J’ai un message de S aussi, en Chine avec son amie, me demandant de lui réserver un billet de train pour son retour, après son vol. Je termine mes colis de fin de semaine. J’avais lancé une promotion sur un site de vente, afin de m’aider à payer mes charges du trimestre. J’arrive à la poste avant la levée. Un individu détestable engueule les guichetières, dépassées par l’incompréhension de l’homme à se servir d’internet. J’en suis peinée pour elles, leur adresse des sourires appuyés, des marques de politesse excessives. Je passe ensuite faire le plein en vue du salon de M. Avant la promenade de fin d’après-midi, je m’assoupis en poursuivant la lecture de Récoltes et Semailles d’Alexandre Grothendieck, que j’ai la joie de découvrir partiellement accessible à quelqu’un qui n’est pas mathématicien. L’entreprise est toutefois ambitieuse : près de 2000 pages. La personnalité de cet homme me fascine, un parcours atypique l’a certainement amené à avoir un regard neuf sur sa science, décalé, à la marge, jusqu’à ce qu’il s’isole totalement les dernières années de sa vie et de devenir comme fou. La réminiscence de débordements désormais lointains, en moi, d’une folie violente entassée dans un coin de ma vie intérieure, de mes souvenirs, ne peut que me porter à ressentir une forme de fraternité pour ce type de personnalité, qui sut user de ce feu, afin de le rendre actif, créateur. J’ai sans doute lamentablement échoué à ce jeu, qui m’a consommé en retour, mais m’a cependant laissé en vie. Peut-être un peu lisse, éteint, aussi, voire triste. Au printemps, je lisais un recueil d’écrits bruts compilés par Anouck Grimberg, le génie noirci, cramé sautait aux yeux, la réalité déformée, sale, recouverte d’une épaisse couche de souffrance. Aussi, je repense à cette anecdote du livre d’Emmanuel Venet, Précis de médecine imaginaire, lu l’été dernier , dans lequel l’un de ses patients en psychiatrie rêvait d’écrire son Grand Oeuvre, mais n’écrivait jamais une ligne, pourtant encouragé par son médecin. Il finit par écrire une phrase sur le mur d’un pont, avant de se jeter dans le Rhône.
En soirée, j’entreprends de travailler la comptabilité, en vue du contrôle de l’Urssaf.