Lundi 7 octobre

Posted By: Gabriel Feret In: Journal d'un libraire On: lundi, octobre 7, 2024 Hit: 16
Je me trouvais tout le week-end à S place B pour le dernier marché aux puces de la saison. Il faut dire que, cette année, je ne participai qu’à deux dates, la précédente le mois dernier. Je suis parti samedi matin dans la nuit, j’ai commencé à déballer alors que le soleil n’était pas levé. P me blaguait, comme souvent dès le matin. SB montait son petit stand non loin de nous. Le vent soufflait froid, mais je m’étais équipé. Comme souvent ces samedis, P et moi avons échangé longuement, plaisanté, revu quelques clients, avec qui nous bavardé. J’avais apporté deux livres pour CB, le Mazenod sur l’Art des Etats-Unis et le catalogue du centre Pompidou Paris-Moscou. Il les a emportés sans broncher. Sympathique homme mûr, CB est un malade schizophrène stabilisé. Il a abandonné il y a longtemps des études d’architecture, le métier de sa famille, et a vécu une vie désoeuvrée, à se cultiver, mais sans travail. Il a hérité il y a peu et, bibliomaniaque, dépense sans presque compter, son argent dans des livres et des objets. Je disais à P que ma vie aurait pu ressembler à la sienne. P, quant à lui ergotait à propos de son âge, un sujet qui le préoccupe depuis peu. Il va avoir 59 ans dans quelques jours. A midi, je suis descendu place K, comme à mon habitude, saluer les confrères et donner des sacs en papier à KZ. Le soir, comme d’habitude également, nous sommes revenus ensemble P et moi à R. J’ai préparé le dîner pendant que P mettait son site internet à jour et que nous buvions un verre de Sauvignon. Nous avons parlé de la foire de Belfort, de notre confrère MG. Plus tard, P voulait voulait regarder un épisode de Columbo, qui l’amuse beaucoup, mais la chaîne diffusait un match de rugby féminin. Il a donc fini par s’assoupir devant un tournoi de fléchettes sur un autre canal. Nous nous sommes couchés, fourbus vers 23h, debout depuis 5h du matin, 4h pour P. Le lendemain, le réveil a sonné à 6h. AC m’avait appelé dans la nuit alors, un peu inquiet, je lui laissais un message. Après avoir enfourné dans le fourgon deux livres pour CB et un carton supplémentaire, nous sommes repartis, P et moi, place B à S. Nous avons déjeuné dans un salon de thé avant de déballer. Une marchande nous a mis en garde contre les vols, nombreux la veille, semblait-il et, justement, nous nous ferions volés la bouteille de vin de l’apéro, qui trainait sur la table de camping, après midi. AD était venu nous rendre visite avec un Chardonnay de Bourgogne, pétillant, et quelques amuse-bouche de sa boulangerie préférée, dont trois saucisses fourrées appelées « zizis du boulanger ». CB repasserait plus tard prendre ses livres, le catalogue du centre Pompidou sur l’exposition « Dada » et encore un Mazenod, sur l’art océanien, cette fois, des catalogues sur Arp. La fin d’après-midi est devenue longue. Quelques gouttes de pluie sont tombées. CB m’a aidé gentiment à remballer. P est reparti vers N, nous nous verrons mercredi. Quant à moi, j’ai filé vers NE récupérer M chez les F. Toujours accueillants, ils m’ont invité à partager leur dîner. Je suis rentré tard, fourbu, et je devais encore balader M. J’ai appelé ma mère puisqu’AC devait arriver en catastrophe le soir même. Son père était mort dans la matinée. Toute la journée, je n’ai cessé de penser à elle et à cet homme, dont j’avais vidé la bibliothèque il y a deux ans. Brutal et manipulateur, il ne s’en était pas moins adouci avec l’âge. Ma soeur est désormais orpheline de père. Avec quel tendresse je pense à elle et aux moments difficiles qu’elle traverse en ce moment. 
Je me lève sonné ce matin. La triste nouvelle me revient en mémoire. J’y penserai tout le jour. En début d’air!ès-midi, alors que je vais chercher un lot de timbres chez RC, F est là qui épluche consciencieusement ses églantines pour en produire de la confiture. Je lui apprends le décès. Comme elle s’est prise d’affection pour AC, alors qu’elle ne l’a rencontrée que deux ou trois fois, elle me propose de lui envoyer une carte. 
Il pleuvra toute la journée.