Mardi 1er octobre

Posted By: Gabriel Feret In: Journal d'un libraire On: mercredi, octobre 2, 2024 Hit: 29
Il m’est revenu hier soir qu’en début de nuit, avant-hier, je rencontrai en rêve une femme sur le Trocadéro à Paris. Comme moi, elle allait travailler et, je ne sais plus comment, nous sympathisions. Je lui demandai si elle voulait boire un verre plus tard et elle accepta. Comme je lui demandais son numéro de téléphone, elle m’épela les chiffres en donnant son nom : Stéfanie Moirel avec un f vivant, dit-elle. Outre le fait que je n’arrivais pas à noter son numéro dans les notes de mon téléphone (le correcteur éliminait les caractères), je pensais à ce f vivant, et non mort comme le Ph. Le Phi de philosophie. Mais aussi le phi de philo, qu’on peut traduire par aimer. Moirel, est aussi l’anagramme de « le roi M » et cette lettre revient sans cesse dans ce journal, pour les individus, les villes.
Comme hier, je me lève sans M. J’expédie les affaires courantes, sans passer par la poste toutefois. Mon véhicule passe le contrôle technique alors je pars à pied au relais colis. Comme hier, séance de saisie de stock en début d’après-midi, cette fois laborieuse, puisque je suis contraint d’écarter de nombreux livres abîmés ou inintéressants d’un point de vue marchand. Comme hier, je lis quelques pages de La Catacombe de Molussie de Gunther Anders, sans m’endormir cette fois. ADC appelle pour convenir d’un autre rendez-vous. Je devrais lui acheter des livres, puisqu’il a presque définitivement quitté le métier. Il me raconte quelques épisodes du salon de PLM qui a eu lieu le week-end précédent. Les libraires travaillent mal, mais sont heureux de se retrouver. Pour boire et manger surtout ! Comme hier, je m’enfonce dans mon trou pour trier les livres destinés à la foire de B. Il pleut abondamment. Mon fourgon m’est restitué, sans problème détecté. Je traîne sur mon téléphone dans le canapé avant de redescendre, esseulé dans le silence et la pénombre. Alors un message tombe. Il vient de l’autre côté des montagnes. Nous passerons 40 minutes au téléphone. Avec « ph ». Toujours présente dans mon rêve, elle existe à peine davantage que Stéfanie Moirel. Mais quand elle m’est rendue, la réalité m’étonne par tant de modestie.