Mardi 2 avril

Posted By: Gabriel Feret In: Journal d'un libraire On: mardi, avril 2, 2024 Hit: 84

Nous devions P et moi déballer à F hier. Couchés tard et levés au petit matin, dans la nuit, nous avons constaté qu’il pleuvait sans discontinuer. La sortie a été annulée. RN qui s’enquerrait par téléphone de nos intentions a lui aussi abandonné. Il nous a invités à déjeuner chez lui, dans un village, à côté de L. La matinée a passé en parlottes diverses. P et moi sommes sortis boire un café  dans une brasserie cossue de la place S, emmenant M avec nous sous la pluie. La décoration florale dans les tons roses nous a plus. Chez RN à midi, la pluie ne cessait pas. P avait apporté une bonne bouteille de blanc tirée de sa cave personnelle. Les échanges sur le métier ont continué tard dans l’après-midi. Je me suis trouvé brusquement fatigué, tant RN bavardait sans discontinuer. Il faut dire que sa conversation est bourrée d’anecdotes drôles et peu ordinaires. RN possède un véritable talent de conteur. Sa maison, qu’il voudrait quitter maintenant que ses enfants sont partis, se décompose en plusieurs bâtiments et dépendances donnant sur une cour, une ancienne ferme pleine à craquer de livres et d’objets divers, puisque notre hôte s’est mis, il y a peu, à pratiquer une activité de débarras. Il riait sur le travail à engager pour son déménagement. P m’a emmené à F où j’avais laissé mon fourgon la veille. Nous sommes encore passés voir MR dans sa boutique, satisfait de ses ventes, mais déçu par le temps et, conséquemment, par le fait que les libraires ambulants, comme nous, aient renoncé à déballer au matin. La boue s’accumulait devant sa librairie et sous les roues de mon véhicule, sur le parking devant le village, si glaireuse qu’un paysan du coin a dû sortir la camionnette de sa place avec un câble harnaché à son tracteur. Je suis reparti avec M de l’autre côté des montagnes sous le soleil apparu entre-temps, sonné par ces aventures, habitué que j’étais à vivre reclus à la maison, dans le silence depuis des mois, mais heureux de ces rencontres, du déjeuner avec JP, S et M la veille, la soirée avec P. Nous parlons maintenant comme de vieux frères, entre humour, tendresse et amitié. La veille, au creux de la nuit raccourcie par le changement d’heure, un peu enhardi par les quelques verres de vin, j’ai envoyé un message d’amour tout près de là, dans la ville voisine. Sans vraiment attendre de réponse, tout en l’espérant, je l’ai reçue au matin, touchante et sincère. Rentré chez moi au soir, j’ai pu même entendre la voix frêle et timide, que je n’avais pas entendue depuis des mois. Le téléphone a sonné, alors que je faisais une pause, « une pause dans la vie », lui ai-je dit. J’ai aussi parlé de BG, de la lecture de son livre : elle l’avait lu il y a longtemps maintenant. La voix venait de loin, du passé peut-être, mais se lovait, je le souhaite, dans la vie d’aujourd’hui. Et la vie a repris. J’emballe des colis toute la journée. En fin d’après-midi, je vais chercher des timbres chez RC, qui me pose des questions sur les événements de l’association. XH a appelé plus tôt pour les mêmes raisons. J’irai peut-être le voir demain. La vie reprend.