Je reçois un coup de fil de P. Il logera à la maison pendant le salon du livre de C. P. se montre moins en forme lui aussi ces derniers temps, il n’a pas son mordant habituel. Il me dit qu’il prend de l’âge, qu’il devient un vieux con, et je n’y vois pas seulement une coquetterie qui voudrait attirer la contradiction : P déprime, mais la vente de la semaine dernière, dit-il, lui a redonné de l’allant. J’envoie mes colis à temps avant la levée et je rattrape mon retard sur la saisie de stock. Dans le lot, des poèmes d’Hédi Kaddour publiés chez Gallimard, avec un envoi de l’auteur à Bernard Noël. J’hésite et adresse un mot à PQ, qui me répond un court instant plus tard et se montre intéressé. Je sais que H, sa compagne est admiratrice de Bernard Noël. P, à l’automne dernier avait offert à PQ un exemplaire du Château de Cène, signé sous son pseudonyme Urbain d’Orlhac. Mes deux amis ne se connaissaient pas, mais ils avaient rapidement trouvé un terrain d’entente. PQ en profite pour me commander une longue liste de livres de poésie sur mon site,. Il omet de commander le livre d’Hédi Kaddour, je le glisserai donc dans l’envoi. Nous causons un instant par écrit. PQ est de la même génération que BG, professeur d’université comme lui. Il a embrassé les mêmes causes, aimé les mêmes écrivains. Il écrit encore, prépare un nouveau recueil. Le vieux monde ne s’est donc pas éteint complètement. Depuis dimanche, je me reprends à lui concéder une dette, quoique, peut-être, délestée d’un ou deux remords. Mais le principal regret demeure : je n’ai pas su écouter au moment voulu. Mais voilà, comment aurais-pu agir autrement ? Avant la balade avec M, refroidi par le vent du nord-est revenu, je lis quelques pages de cette histoire, le monde qu’un homme mûr ne comprend plus. M est lovée contre moi. En rentrant, j’ouvre mon compte à promotion, sur un site marchand, j’ai besoin de trésorerie. Je confectionnerai des paquets jusque tard le soir.