Je termine tard dans la nuit le livre de Marc Crépon, très bien écrit, intéressant. Le philosophe montre les origines de ses recherches sur la violence (que je ne connais pas), l’orientation que prit sa vie, après qu’il eut enseigné pendant deux ans en Moldavie, alors une République Soviétique. Avec cette lecture, on envisage mieux la culture politique russe, son rêve de « grandeur », comme l’écrit lui-même l’auteur. La vibration du téléphone me réveille à 10h, en plein sommeil. C’est J, mais je laisse sonner afin de reprendre mes esprits avant de rappeler. Elle ne viendra pas à R comme il était prévu. Le réservoir de sa voiture est presque vide, ses finances au plus bas et sa carte bancaire bloquée - les soucis de trésorerie d’une petite entreprise. Je propose de lui amener M et pars donc, après quelques tâches matinales, le déjeuner dans un sac la rejoindre. Elle souffre toujours de douleurs dorsales, d’étranges maux. M lui fait la fête. Après avoir mangé, je les conduis vers le centre. Nous prenons thé et café dans un salon de la place de la B. J se montre peu inquiète, à moins que son corps ne parle pour elle, comme souvent j’en ai eu le sentiment. Elle me parle d’un « stage de respiration » où elle a suivi son amant samedi dernier, me décrit les personnes qu’elle y a croisées. Nous épiloguons une fois de plus sur ces formes de spiritualité nouvelle, la place laissée dans certains milieux par la religion, à laquelle une grande partie de notre génération a tourné le dos. Ces nouvelles pratiques semblent friser le ridicule, faites de recettes au bien-vivre piochées dans des cultures diverses, où chacun trouve midi à sa porte. Pour autant, devrais-je me permettre d’en juger ? Il est pour moi quelque chose de religieux dans mes rituels quotidiens, du sacré dans les livres, de la prophétie chez les écrivains. Il me semble être parfois le seul adepte de cette religion. Je ramène J et M chez elles. Toujours un pincement au coeur, quand je rentre et que je découvre le panier vide de M. Je me remets au travail. Quatre jours s’offrent à moi, avant de partir à N samedi. Les deux prochains au moins, je m’octroierai le luxe de ne pas travailler. J’irai tout de même chiner aux puces demain et jeudi avec E. Je profiterai de cette vacance pour lire Philippe Descola.