Je me lève plus tôt ce matin, après la résolution de retrouver un rythme plus printanier, et donc, en ce qui me concerne, moins tourné vers le creux de la nuit. Pourtant, l’hiver nous embrasse de ses dernières bises depuis lundi, avec de la pluie, de surcroît, aujourd’hui. Je rentre trempé d’une courte balade avec M, qui ne me lâche pas d’une semelle, comme si elle pressentait une anormalité. Mais l’hiver ne se terminera officiellement que dans une dizaine de jours. XH arrive peu après midi. J’avais préalablement réchauffé mon plat de dimanche. Des céphalées m’incommodent pendant que nous déjeunons, en parlant du métier, de livres, de nos enfances. XH ne s’attarde pas. Au moment où il part, j’interpelle un homme en faction devant la maison. Il guette une cigogne juchée sur le toit de la maison voisine depuis ce matin. Il nous apprend qu’on dénombre 19 nids à R. Ensuite, j’appelle J, peu en forme et tourmentée, qui me parle longuement de sa peine de coeur. Je me dis parfois qu’il est plus sain, plus sage d’être seul, mais je porte ma peine aussi quand j’y réfléchis, là-bas, de l’autre côté des montagnes. Elle ne me quitte pas. Aucune autre relation ne m’attire. Peut-être ai-je placé mes affects sur cet amour impossible, ce qui me dispense de penser à le faire vivre avec quelqu’un d’autre, par commodité. Non que je craigne de m’engager, mais que je donne une fonction, un os à ronger à cette partie de moi, pour que je sois dispensé de la vivre. Elle se trouve occupée et je peux, dès lors, consacrer ma disponibilité de temps, d’esprit à autre chose. Il arrive la plupart du temps que je m’en accommode tout à fait, plus rarement, que je me morfonde à d’autres. Comme dans toute histoire, en somme. Mais sans personne pour recevoir mes sentiments, mes doléances, ma tendresse. Sans personne pour m’en offrir. Une vie affective de rêve, une histoire que je me raconte, seul. Celle de J, bien réelle, ne se montre pas attirante, avec ses jeux de pouvoir, sa dramaturgie. Mais peut-on s’en passer ? Puis-je vraiment l’éviter ? Même seul. Je laisse J triste, quoique plus clairvoyante, sans doute. Sa colère enfle et je ne vois pas comment elle pourrait s’en sortir par une autre voie, la concernant. Après un détour par le relais colis, je repars en promenade avec M, puis descends au sous-sol m’acquitter de la tâche des colis. J’ai rattrapé au préalable la soirée perdue d’hier, pour cause de dérangement de mon site internet, en saisissant une volée de livres. J’en saisis une autre dans la soirée. Je me sens vaseux avec toujours, ce mal de crâne lancinant, ce froid humide. Peut-être M va-t-elle très bien, mais cherche seulement à me consoler, insinuer une chaleur dans la torpeur du jour.