M va mieux au matin et je me rassure. Je réponds à des messages, édite des commandes. Le plombier passe afin d’établir un devis pour le remplacement d’une canalisation. En milieu de journée, j’ai déjà emballé mes colis et saisis des livres en stock. Après mon passage à la poste, je rejoins un client sur le parking du supermarché, où il m’a donné rendez-vous. Il m’attend devant sa camionnette, en tenue de travail, rougeaud et bourru, avec un accent très populaire, méfiant - il ne m’a pas donné son nom, a communiqué avec moi sous pseudonyme du site de vente. Il repart avec les oeuvres de Descartes, éditées au club français sur papier bible, en deux volumes. Je rentre saisir des livres en stock, avant la pause lecture et promenade avec M, sous la pluie. Le temps a viré au frais et à l’humide. Je me concentre ensuite sur l’ordinateur jusque tard le soir, heureux d’avoir abattu un gros travail. Le retard dans mes objectifs s’amenuise, je pourrai bientôt attaquer les rangements nécessaires de livres qui trainent partout du sol au plafond, commencer peut-être la préparation de la foire de B à l’automne prochain. Les jours se suivent et se ressemblent, mais en suis-je malheureux pour autant ? Pas du tout, le malheur m’est tombé dessus il y a trente ans presque jour pour jour, comme me le rappelait AC la semaine dernière : pendant des mois, je ne pensais qu’à en finir. Jamais je n’imaginais que je puisse devenir un libraire, que j'atteigne cet âge. L'apaisement me semblait inenvisageable.