Après quatre colis, je pars pour C, accompagné de M en début d’après-midi. La poste est fermée pour la deuxième semaine consécutive ce vendredi. Le temps est maussade, mais doux, il ne tombe pas les trombes d’eau d’hier. Je rejoins A et N dans leur librairie, très occupés par leurs clients, il est donc difficile de parler un peu avec eux. Alors que je sors avec M afin qu’elle puisse renifler les odeurs de cette belle cour et son arbre de Judée, en fleurs encore il y a deux ou trois semaines, A sort de la librairie et me demande si je pars, elle voulait absolument prendre le temps de caresser un peu M. J’achète un livre de Giogio Vasta et Ramak Fazel Absolutely Nothing, Histoires et disparitions dans les déserts américains, que je l’avais vue lire chez moi, ici, l’été dernier. Je ne pouvais pas m’empêcher de la regarder, caché derrière le livre de Anna Tsing que je lisais alors, sa posture délicate, concentrée. Je ne sais pas si elle me rendra visite cette année. N avait lu le début de ce livre aussi, à sa sortie, il en garde un bon souvenir. Il m’avait conseillé également Les rebelles magnifiques, les premiers romantiques et l’invention du Moi d’Andrea Wulf que j’ajoute à la moisson. Cette lecture fera suite à celle du livre de Claude Romano sur le même sujet. Nous causons tous les trois cinq minutes sur le pas de la porte. A me donne un lot de cartons d’emballage pour mes envois et je repars, bien chargé, vers le fourgon. Une torpeur me prend au retour, un sentiment de solitude, je lance quelques appels qui n’atteignent pas leurs interlocuteurs, me décide à reprendre la lecture de Philippe Descola et m’assoupit, avec M lovée le long de ma poitrine. Dans la soirée, je reprends la saisie de stock jusque tard.
Il me semble vivre avec un manque permanent, sans déterminer tout à fait lequel, ni l’appréhender sûrement : il a intégré mes jours de manière pérenne et je le côtoie comme ma propre compagnie, j’y pense et puis j’oublie.