Après la balade avec M, je pars vers C. J’ai décidé hier soir de cette récréation, trouvant avec difficulté la concentration à la lecture au creux de la nuit. M commençait à ronfler à mes pieds. Je me disais que le soir suivant, elle serait partie. A la sortie de R, je m’arrête au signe d’un autostoppeur, mais il part dans l’autre direction vers G. Quelques mètres plus loin, un autre, qui part bien vers C. Il m’entretient durant le court trajet de sa recherche de travail, des bars de R, dont je connais la réputation, sans les fréquenter. Après avoir lâché mon passager au centre-ville et m’être garé, je file à la librairie. J’y trouve tout de suite la traduction des Essais impopulaires de Bertrand Russel, publiés aux Belles Lettres, qui m’intéressent, dont j’ai lu cependant que l’édition avait été bâclée. Je partirai sans, faute de moyens surtout, les ventes ne sont pas remontées depuis le début du mois de décembre. Je parle avec N des flots de touristes qui se retrouvent à C en ce moment, qu’il qualifie de « vomi », du livre de Josipovici, qu’il m’a offert. Je parle aussi avec A, laquelle m’annonce la sortie d’un livre de Frédéric Pajak autour de Malcolm Lowry et Alberto Giacometti. Elle va tenter l’invitation de l’auteur auprès de l’éditeur. Lowry me semble un client parfait pour Pajak, à l’existence à point romanesque pour entrer dans sa littérature. Je dis à A les heures que j’ai passées avec Malcolm Lowry, qu’Au-dessous du Volcan reste l’un des seuls livres que j’ai lu plusieurs fois. Que je pourrais le lire encore. Non, je ne l’aime pas réellement. Il me fascine plutôt, récalcitrant à se démêler, puis à se révéler encore. Il me saisit par ses mystères. Quelques mots sur Pierre Bergounioux encore et je descends place de la Cathédrale, où je trouve P sur son stand. Profitant de ma présence, il part à la supérette. Des flots de personnes passent, s’arrêtent, repartent. Les ventes pour lui ne semblent pas mauvaises, ce qui confirme mon impression : on a plus intérêt à sortir depuis quelques mois. Il semble que les lecteurs recherchent davantage les relations directes. Je descends encore vers l’Ancienne Douane où je retrouve J, sans son frère A. Difficile de trouver un terrain commun avec J, alors je tente toujours quelques banalités qui tombent à plat. Il se semble montre toutefois plus détendu et affable que par le passé. Je repars avec un livre d’Apollinaire en cartonnage Gallimard, ce qui solde une dette vieille de deux ans pour lui et son frère, un vieil atlas XIXème ruiné dont ils avaient sorti les cartes. Après ces rencontres, les seules en somme de la semaine, je remonte étape par étape, devant le stand de P, la librairie de N et A jusqu’à mon véhicule. Un petit chien en liberté jappe et court en tous sens sur la place de la Cathédrale. Sa maîtresse l’appelle alors qu’il déguste un emballage de sandwich. A la maison, je déjeune rapidement, mets un peu d’ordre et époussète. Je pars avec M vers le pré avant de saisir quelques bande-dessinées sur mon stock. J arrive, lessivée après ses trois jours de travail à S. M la retrouve dans un grognement de bonheur. Nous échangeons tranquillement, dînons. J’avais préalablement préparé un repas modeste. Je ne sais comment, nous évoquons l’idée d’accueillir un autre compagnon. J’insistais en ce sens l’année dernière, puis avais laissé tomber, après les esquives de J. Ce soir, elle envoie un message à A, l’éleveuse des premiers jours de M, se prend à rêver d’un chiot. Il pourrait arriver au printemps, l’année des noms en A. Nous plaisantons sur les noms possibles, Andouille, Apocalypse, Aristote… Avant le départ de J et M, nous partons en promenade dans le quartier. Voilà, M est repartie, elle qui a accompagné ma solitude ces deux dernières semaines. Le silence complet, dur et total de nouveau, cette fois adouci par trois verres de Viognier.